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C’est un débat qui agite les démographes depuis trente ans : l’espérance de vie humaine peut-elle continuer à augmenter aussi vite que ce fut le cas dans la deuxième moitié du XXe siècle ? Alors qu’elle stagnait probablement entre 20 et 50 ans jusqu’au début du XIXe siècle, l’espérance de vie a en effet connu un « boom » après la seconde guerre mondiale grâce aux progrès de la médecine et de la santé publique, conduisant à une révolution de la longévité. Pendant plus de cinquante ans, les humains ont alors gagné jusqu’à trois ans d’espérance de vie par décennie, contre un an en un ou deux siècles auparavant.
Selon une nouvelle étude publiée lundi 7 octobre dans la revue Nature Aging, cette hausse de l’espérance de vie exceptionnelle marque le pas depuis trente ans dans les pays où elle est la plus élevée. Un ralentissement qui devrait, selon les chercheurs, perdurer au XXIe siècle en l’absence de progrès significatif dans la maîtrise du processus de vieillissement biologique.
A l’appui de leur étude, les quatre scientifiques américains ont centré leur recherche sur les huit pays dont la population a atteint les niveaux les plus élevés d’espérance de vie entre 1990 et 2019 (l’Australie, la France, l’Italie, le Japon, la Corée du Sud, l’Espagne, la Suède et la Suisse), ainsi que sur la région de Hongkong et les Etats-Unis, qui constituent un cas à part, puisque l’espérance de vie des Américains marque le pas depuis les années 2010 et a été très fortement grevée par l’épidémie de Covid-19.
Leurs calculs montrent qu’en moyenne, ces populations n’ont gagné que 6,5 années en trente ans, c’est-à-dire un niveau bien inférieur à la période précédente. Seuls la Corée du Sud et Hongkong ont connu ces rythmes exceptionnels qualifiés d’« extension radicale de la durée de vie », soit un gain d’environ trois mois tous les ans. Le cas hongkongais montre que la prospérité économique et ses très strictes lois antitabac ont été des facteurs décisifs.
« Ce ralentissement observé est une conséquence de la réussite médicale, avance Jay Olshansky, professeur de santé publique à l’université de l’Illinois, à Chicago, et premier auteur de l’étude. Cela se produit lorsque de plus en plus de personnes survivent jusqu’à un âge avancé, au moment où le processus biologique du vieillissement devient le facteur de risque dominant. » L’épidémiologiste est le défenseur depuis les années 1990 de l’idée selon laquelle l’humanité allait atteindre une sorte de plafond de verre de la longévité, rattrapée par ses limites biologiques. D’autres démographes, à l’image de James Vaupel, mort en 2022, ont théorisé au contraire que ces limites pouvaient être dépassées grâce aux révolutions scientifiques à venir. « Cet article est une sorte de réponse post-mortem à Vaupel », souligne Carlo Giovanni Camarda, directeur de recherche au sein de l’Institut national d’études démographiques (INED), qui n’a pas participé à l’étude.
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